Discographie
« […] Le disque est devenu une fin en soi et non plus un moyen ou un artefact qui servait à fixer un moment. Un disque ne peut éviter d’être "impeccable", et c’est d’ailleurs ce qui rend encore plus ambivalent mon rapport au disque live : on a toujours scrupule à laisser des saletés, et en même temps ce n’est qu’un moment de vie, un instantané. Ce dilemme est insoluble pour moi, et c’est là que le travail avec les autres membres de la Chambre m’est précieux. Leur choix de l’instrument d’époque dit déjà clairement qu’ils n’ont que faire de cette course à la propreté: ces instruments répondent si peu de façon "automatique", contrairement aux instruments modernes… Les cordes en boyau travaillent, cassent, l’humidité des mains agit tout autrement que sur une corde métallique ; de même pour les instruments à vent : les cors et les trompettes naturelles doivent ajuster constamment, l’humidité pour les peaux des timbales doit être stable… Bref : on est au cœur de l’artisanat. Cela relativise l’exigence de perfection du chef d’orchestre. Et c’est très bien comme ça. Je dirai presque que, pour un instrument d’époque, l’ "imperfection" n’est pas rédhibitoire car c’est à travers elle qu’on acquiert une réelle conscience de la vulnérabilité. […] »
Emmanuel Krivine, entretien avec Pierre-Johann Laffitte, avril 2013